Loin des yeux, près du coeur

De toute les maximes que j'ai pu lire sur l'amitié, celle-là est de celle qui me correspond le mieux. Mes amis les plus intimes sont - je puis dire - des amies présumées fantômes. On ne s'écrit pas régulièrement, ne nous parlons pas régulièrement, on ne se voit que quelques poignées de jours par an.

Et pourtant, à chaque fois qu'on se voit, c'est comme si le temps s'était arrêté entre chaque rencontre. On raconte nos vécus de manière linéaire, comme si le rythme du sablier de nos vies avait ralenti entre temps, encore et encore, et une fois ensemble, on reprend là où ca s'est arrêté. Et Dieu seul sait combien il y'en a des choses à raconter quand cela fait 6 mois ou 9 mois qu'on ne s'est pas revus.

Mais comme tout être humain, il m'arrive d'envier ce que je n'ai pas vraiment connu, et qui rend les autres heureux, même si je le suis aussi, en tentant timidement de transposer leur vécus sur le mien. Ces amitiés vécus chaque jour. Les coups de fils, sms quasi quotidiens. Les rencontres plusieurs fois par semaine. Ces amis dont les vies sont calquées les uns sur les autres, synchronisés. Avoir un meilleur ami, une moitié comme on les appelle.

Mais cela me correspondrait-il réellement ? A long terme, ne me sentirais-je pas étouffée, vampirisée par ces amis omnipresents quelque part ? Me connaissant, je pense que oui. Car le fait est que je suis plutôt introvertie, un peu solitaire. Mais pas seulement. Je peut-être très bavarde quand j'ai des choses à dire. Silencieuse et attentive sinon. A force de se voir régulièrement, je finirait par ecouter plus qu'autre chose, je deviendrais de plus en plus silencieuse au fur et à mesure de nos rencontres. On finirait par me le reprocher probablement, ou me le faire comprendre peut-être ? Me juger sur mon silence - présumé signaler un désintérêt pour mes amis, alors que c'est tout le contraire.

Ces amis dont je parle sont - à mes yeux - libres comme l'air, libres comme le vent. L'amitié que l'on se porte - et qui date de l'école primaire - est réellement désintéressé. C'est peut-être parce que nous n'avons pas d'exigences sur la quantité d'appels ou de sms que l'on doit s'envoyer que nos relations sont si libres, pas régis par des lignes tendues et invisibles ? Ou peut-être simplement car nos vies nous prennent beaucoup de temps et qu'on a conscience qu'on ne peut être tout le temps disponibles ?


J'ai le sentiment que l'on vit dans une société où dans les relations, on demande un retour sur investissement. Que quoi qu'on puisse donner, il faut recevoir en retour, sinon, la relation n'est présumé pas sincère. L'amitié en fait évidemment partie selon moi, tout comme l'amour. Elle est à l'image de notre société de consommation, à consommer immédiatement et à jeter rapidement aussi. Mais la sincérité se mesure t'il simplement au temps de présence, et à la presence même ? Ne peut t'on pas être loin physiquement et mentalement - englués dans notre quotidien, nos soucis, nos problèmes, nos peurs et nos contradictions - et en cas de malentendu, espérer avoir surtout une main tendue plutôt que des reproches ? Est ce trop demandé, est-ce un caprice ?

Quoi qu'il en soit, dans mes souvenirs, je ne leur ai jamais reprochés de ne pas m'écrire, ni de ne pas m'appeller régulièrement. Elles ont toujours été là pour les moments clés de ma vie, et même si elles n'avaient pu être là, pour x raisons, me connaissant, j'ecouterais ce qu'elles ont à dire avant toute chose, avant de porter un jugement.


Loin des yeux, près du coeur.

Libres comme l'air.

Et ca me va parfaitement.


PS : la perception de l'amitié étant tout à fait propre à chacun, il ne s'agit nullement pour moi de critiquer froidement une ou plusieurs visions de l'amitié, tant qu'elle vous convient et qu'elle ne fait pas de dégâts autour de vous, mais juste de coucher mon ressenti sur le papier, c'est tout.

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