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Vengeuses Masquées - Le Blog

23 septembre 2015

...Et j'ai allumé des bougies...

Aujourd'hui, je ne devais pas écrire ici; ou du moins, cela n'était pas prévu.

Pour tout vous dire, je revenais d'un rendez-vous chez la sage-femme, remettant de l'ordre dans mes pensées afin d'en rédiger le compte-rendu  lorsqu'une voix m'a interpellée.

"Excusez-moi, je suis enceinte et je n'ai pas de quoi manger, auriez-vous une petite pièce?"

Pendant que je prenais mon portefeuille, mon Cis-mec-de-compagnie a sorti une pièce de ses poches, fronçant les sourcils en découvrant un centime. Elle a éclaté de rire, d'un rire joyeux et mélodieux.

"Avec une toute petite pièce, je ne saurais pas acheter grand-chose, mais c'est déjà ça !"

Je lui ai donné ma plus grosse pièce de monnaie, elle nous a remercié chaleureusement et nous sommes entrés dans la gare. Mais quelque chose n'allait pas...

Mes yeux étaient emplis de larmes, et pour le coup, les hormones n'y étaient pour rien. J'avais laissé dehors, dans le froid, une femme enceinte et dans une situation manifestement précaire. Heureusement, mon chéri a pris la parole.

"Va la retenir, je vais lui acheter quelque chose à manger".

Je suis sortie, la cherchant des yeux, mais elle avait disparu...
Mon compagnon est revenu de la boulangerie, me demandant de ses nouvelles, lorsque nous la vîmes sortir du magazin, un sachet contenant une bouteille de lait, une bouteille de jus et un pain.

"Merci, grâce à votre pièce, j'ai pu faire mes achats."

Mon chéri lui a offert un sandwich et une viennoiserie, et j'ai engagé la discussion.

"- Excusez-moi si je suis indiscrète, mais lorsque vous m'avez interpellée, vous m'avez bien dit être enceinte...
- Oui, d'un mois et demi
- Je suis également enceinte et j'avoue m'inquièter pour vous, avez-vous quelque part où dormir ?
- A l'abri de nuit, pour deux semaines encore et puis... Et puis je ne sais pas..."

Je lui ai laissé mes coordonnées, lui expliquant que je vivais dans un appartement trois chambres, dont une seule était occupée, lui signifiant que lorsqu'elle quitterait l'abri de nuit (aujourd'hui ou peu importe) elle pouvait me contacter, qu'on lui ferait une chambre, qu'on s'occuperait de son suivi ou de son interruption de grossesse, selon ses choix.

Je lui ai également demandé de me contacter au moindre soucis, au moindre besoin.

Elle nous a remercié chaleureusement, et a poursuivi son chemin, cherchant un abri pour déjeuner. Je l'ai perdue des yeux, et depuis, les larmes s'y sont installées.

J'ai laissé dehors, dans le froid, une femme enceinte et dans une situation précaire...

 

 Gauche

bougies

Depuis, je suis rentrée chez moi, et j'ai allumé des bougies, espérant avoir de ses nouvelles avant que leur flamme ne s'éteigne.

Quatre

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29 juin 2015

Tribune langues de putes - L'objectivation des TDS, vues par des TDS


Latribunelangues-de-putes, kesako ?
Lorsqu'une personne apprend mon métier, il lui arrive de me poser des questions concernant mon ressenti, mes perceptions. J'y réponds souvent avec grand plaisir mais... Je ne suis pas représentative de toutEs les TDS.
Malheureusement, les putophobes et abolos parviennent à nous silencier, prenant la parole à notre place, ce qui donne bien souvent une image tronquée de notre activité.
J'ai donc demandé sur un groupe de TDS (non-mixte, c'estnotrehavredepaix) si quelques unEs parmi nous se sentaient prêts à répondre, avec leur vécu, leurs impressions aux questions d'une lectrice.
/!\ Les questions se posent EN MP, via la page, et nous déciderons de répondre à celles qui nous semblent pertinentes/safe/intéressantes.

Source: Externe

La question du lundi:

"Comment gérez-vous l'objectivation dont sont victimes les TDS?"
"Pour ma part, je vis avec l'idée qu'ils me considèrent comme un objet... Tout en refusant qu'ils me traitent en tant que tel. Cela fait partie de ces aspects que je n'aime pas dans mon métier. Pour faire simple, je suis escort-girl très axée sur le "social-time" (discussion non rémunérée après l'acte sexuel), et j'aime en profiter pour leur rappeler que nou-e-s, escorts, ne vendons pas notre corps, mais nos services.
J'aimerais également revenir sur un concept, objectivation et soumission ne vont pas forcément de pair, il est temps de s'en rendre compte. Lorsqu'un client me demande si je suis soumise sexuellement, je réfute. Après tout, si je change d'avis durant la prestation, c'est que monsieur m'aura traité comme un sujet, qui accepte donc de revêtir, avec beaucoup de plaisir, ce costume de soumission."
Quatre, 24 ans, escort-girl en Belgique depuis cinq ans
De mon côté, je ne vis pas cette objectivation d'une manière plus violente que lorsque j'ai travaillé chez mac do, à vrai dire, je la vis même bien mieux, et puis je ne vends pas mon intimité, juste mon vagin et ma douleur (je suis maso mais pas soumise, ce qui donne parfois lieu à de gros malentendus). Je crois que je suis toujours partie du principe que dans le monde du travail "alimentaire" je n'étais qu'un objet, et là au moins, je choisis comment et à quel prix.
Alienore, escort girl sur paris et strasbourg.
Je ne me sens pas objectivée, car le client vient chercher chez moi quelque chose qu'il ne peut pas trouver chez d'autres personnes. Par contre, lui est remplaçable pour moi, le rapport de pouvoir est donc en ma faveur.
TDS anonyme , 25 ans, femme cis.
Je ne me sens pas objectifiée, car je propose des services d'humain à humain consentants. Cela ne se passe pas comme si je prêtais mon corps et que mon esprit attendait que ça soit fini. Est-ce qu'un kiné se sent objectifié parce qu'on se sert de ses mains pour notre bien-être ?
TDS anonyme, 23 ans, Bordeaux
L'objectivation est notre condition de meuf, sexualisées malgré nous, peu importent que nos rapports soient gratuits ou non. Nous n'avons que peu d'autres d'autres manières de nous valoriser, hélas, et toutes les autres dépendront en grande partie de celle ci. cette valorisation demande un travail: faisons le payer. 
(Anonyme)
Il arrive que je sois/que je me sente objectivée (par des hommes) dans mon activité comme dans ma vie privée, malheureusement. Ca s'appelle l'hétéropatriarcat, et c'est un problème en soi, mais je ne pense pas que c'est un problème inhérent au travail du sexe.
Oui, c'est parfois pesant de vivre ça. Cependant, au moins en tant qu'escort j'en suis consciente et je choisis de l'assumer pendant mes rencontres, ce qui n'est pas le cas dans ma vie "civile", où, par exemple, je n'ai aucune emprise ou prise de pouvoir sur le harcèlement de rue, et où je n'en retire rien du tout. Je dirai qu'aller à un rendez-vous tarifé, c'est notamment, pour moi, admettre et utiliser l'objectivation, et en retirer une rétribution financière.
Et sinon, dans mes relations sexuelles hors-prostitution, je dirais que cela peut arriver, avec mon consentement, et que ce n'est pas intrinsèquement un souci d'être un "objet sexuel" à l'occasion dans le cadre de relations charnelles. Ce qui est nul et problématique, c'est que toutes les femmes soient objectifiées tout le temps sans leur consentement.
TDS anonyme, 22 ans, queer
24 juin 2015

Je voudrais un guide

 

J’ai deux enfants. Un garçon, une fille.

Je lis souvent ces messages qui enjoignent les parents, puisque c’est bien d’eux qu’il s’agit en premier lieu, à apprendre à leur fils à ne pas violer. A apprendre à leur fille à ne pas s’exposer ou au contraire à faire fi des risques et à prendre ce droit d’être et d’occuper l’espace trop longtemps dénié. A apprendre à leur enfant à se faire respecter. A apprendre à leur enfant à vivre en société. Cette même société qui nourrit en son sein la culture du viol. Cette même société qui blâme encore les victimes en trouvant des excuses aux agresseurs et trouve des excuses aux agresseurs en blâmant les victimes. Cette même société qui depuis la nuit des temps apprend aux hommes qu’ils ont des besoins et des droits et aux femmes qu’elles ont des devoirs. Cette même société qui relaxe DSK tout en disant aux putes qu’elles n’ont aucune valeur et qu’on ne veut plus les voir. Cette même société où LMPT s’invite en politique. Cette même société où l’on juge indécent le port de débardeurs à l’école par des fillettes de 8 ans. … La liste serait trop longue.

Je ne sais pas comment faire. Ou quoi faire. Ou ne pas faire.


Je me dis que le rapport au corps, au sien, à ceux des autres, ça commence dès tout petit. Ca commence avec un bébé qu’on passe à mamie qui le garde même s’il pleure. Ca passe par le bisou qu’on réclame ou qu’on impose de faire. Ca passe aussi par les bousculades qu’on tolère puisque c’est un jeu puis qu’on ne tolère que des garçons parce que ce sont des garçons. Ca passe par ces fois où l’on débarbouille sa bouille alors qu’iel insiste pour le faire seul-e. Ca passe par les « c’est pour ton bien », par les « tu veux bien être gentil-le et », par les « parce que ça se fait ».

Ca passe par le câlin qu’on accepte de recevoir même si l’on n’en a pas envie parce que ça vient d’eux. Ca passe par toutes les fois où l’on prend sur soi alors qu’on n’a juste envie d’être ailleurs, au calme, sans contact, et qu’on ne dit rien. Par toutes les fois où l’on ne fait que rêver de pisser seul-e ou de se doucher seul-e ou de dormir seul-e. Finalement ça passe par tout ce qu’on impose et tout ce qu’on s’impose en terme de contact ou de proximité. Le parent n’est jamais modèle, jamais parfait, mais le parent est un modèle et est le premier modèle, celui qui entame la pose des fondations. Lourde charge sur ses épaules rendue encore plus pesante par le monde autour.


Je leur apprends à ne pas taper, ne pas pousser, ne pas exiger, que l’envie ne fait pas le droit. Du moins j’essaie. La distinction entre s’affirmer et s’imposer est subtile et longue à transmettre mais tellement essentielle. Je lutte pour ne pas davantage tolérer les erreurs de mon fils non parce qu’il est mon fils mais parce qu’il est plus jeune des fois que ma fille et mon fils pensent que la fluctuation de l’interdiction serait liée non pas à l’âge mais à leur genre. Je dis à ma fille que ce n’est pas parce qu’elle est plus grande, plus forte, qu’elle a le droit d’en imposer à son frère tout comme ce n’est pas parce que je suis plus grande, plus forte qu’elle que ça me donne le droit de lui en imposer. Je refuse les câlins quand je n’ai pas envie de câliner en me disant en même temps que c’est cruel mais qu’en fait non parce que ce droit au corps est aussi mien et que si je prends sur moi je leur envoie le message que même si je n’ai pas envie ce n’est pas grave. Je leur dis que personne n’a le droit de les toucher ni de leur imposer un geste dont ils ne veulent pas, personne y compris moi (et, minute glam, tant pis pour les traces de pneu dans les culottes de ma fille qui n’arrive pas encore à s’essuyer parfaitement). Qu’ils ont le droit d’explorer leur corps mais que personne n’a le droit d’explorer le leur et qu’ils n’ont pas à explorer le corps des autres (et là je pense fort à cette expression « jouer au docteur » : ce n’est pas un jeu). Je fais en sorte que mes non soient des non et mes oui soient des oui pour qu’ils sachent sur quel pied danser et qu’ils prennent le pli de communiquer de manière directe et franche tout en me demandant quel poids ça pourra bien avoir face à quelqu’un qui se fout du oui comme du non.

Je me dis qu’il faut et qu’il faudra que je leur apprenne à se défendre tout en veillant à ne pas placer l’entière et unique responsabilité sur leurs épaules. A se battre aussi. A habiter l’espace. A prendre parti. Qu’il faut et qu’il faudra que je veille à démonter un à un tous les propos, tous les stéréotypes  les confinant à leur genre, à leur rôle, à leur place, ou confinant les autres.


Je me dis que j’aimerais bien un guide.

Mais il n’y a pas de guide. A part nous.

 

B

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31 mai 2015

Qu'elle est dure la vie de prostituée !



(J'introduis volontairement mon article de la sorte, histoire d'accrocher également les abolitionnistes à la lecture de ce texte, mais en vrai, j'adore mon travail)

Il existe plusieurs formes de prostitution, c'est vrai. Toutes comportent des avantages (attention à l'incitation Quatre, tes propos sont hautement condamnables!) et des inconvénients (ouf, on a récupéré les quelques abolos qui lisaient par mégarde).

Pour en citer quelques unes :

  • la prostitution de rue (avantages : liberté, visibilité. Inconvénients : le froid! Et l'insécurité),
  • la prostitution en bar à champagne - avec vitrine ou fermé - (avantages : les gains, le travail d'équipe. Inconvénients : l'alcool et le travail d'équipe),
  • les vitrines (avantages : visibilité, gains. Inconvénients : cadence de travail, insécurité),
  • l'escorting (avantages : indépendance, liberté. Inconvénients : tous ceux relatifs aux métiers d'indépendants... Horaires flexibles, prostitution "ouverte"*).


* = Ouverte car rien d'imposé, si ce n'est la loi du marché. Au plus tu pratiques de services/es jeune/jolie, au plus tu peux exiger une rémunération "correcte".


Personnellement, j'ai travaillé un an dans les bars à champagne, à 19 ans (bonjour champagne et cocaïne, adieu mon foie). Trois ans un pied dans l'escorting, l'autre dans les bars. Avec des mois de "pause", "congés" (mon ex travaillait donc pouvait subvenir à nos besoins).

Depuis peu, les contrôles se sont multipliés dans les bars, les patrons ont les nerfs à vif, en bref, je suis passée escort à temps plein.

 

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A quoi ressemble ma vie ?

Je me réveille le matin, vers sept heures. J'enlève le "mode avion" du téléphone (Simple précaution absolument pas induite par le fait que certains clients ne prennent pas le temps de lire une annonce qui mentionne explicitement "Appels entre 7 et 22heures"). J'ouvre les sites d'annonce. Je réactualise mes annonces.
Je passe la journée à répondre à des appels/sms/mails (nan je déconne, les mails j'ai laissé tombé... Trop d'envolées lyriques pour peur de rendez-vous) et aussi à faire mes démarches administratives, mon ménage, écrire cet article, (sucer des.. Je ne dirais rien :) ).
Ah oui, je traîne aussi sur ces forums ou des "vilains clients prostituteurs comparent la marchandise" (Coucou les abolitionnistes) histoire de trouver de nouveaux sites où annoncer.

Bah oui, depuis que vivastreet est devenu payant... Ah, vous ne saviez pas ?

Bande de petits veinards, je vais vous expliquer pourquoi vos annonces sont gratuites... Parce que vous n'êtes pas des prostituées.
Vous en avez de la chance !

Aujourd'hui, je dénonce Jannonce.be, vivastreet et tous les sites d'annonces qui trouveraient immoral de percevoir la moindre somme d'un quidam mais qui n'hésitent pas à faire payer les putes...

J'en profite également pour signifier que des sites comme lili.be, quartier-rouge.be, annonces-massages accueillent les annonces d'escorts gratuitement. Seules les publicités sont payantes.


Oh, avant de clôturer cet article, il me semble pertinent de préciser que faire payer une annonce sous le seul motif qu'elle est d'une prostituée et non d'une babysitteur, c'est de la discrimination.

Et que la loi Belge interdit le proxénétisme.

Et quelle en est la définition ? Ah oui, vivre des fruits de la prostitution d'autrui...


Quatre

15 mars 2015

Qu'est-ce qu'on attend ?

Des goûts et du genre

Quand je parle de mon fils et que je dis qu’il adore les pelleteuses et que les tracteurs exercent sur lui une véritable fascination aux tracteurs, on me répond immanquablement « normal, c’est un garçon », simple, clair, définitif.
Quand je parle de lui et que je dis qu’il voue un culte aux escargots, passant des heures à les observer, leur préparant des boîtes garnies de feuilles de chou parce que « les escargots ils adorent le chou maman ils y vont toujours dessus dans le potager », on trouve ça adorable certes, puis on fait une remarque sur son sens et son goût de l’observation, « futur scientifique ! », on ne le renvoie pas explicitement à son genre, mais on fait tout pour s’y raccrocher, les « sciences » c’est « masculin ».

Quand je parle de ma fille et de son goût pour le rose, du poudré au fuchsia, pour les paillettes et tout ce qui brille, et pour les jupes qui tournent, on me dit « normal, c’est une fille », simple, clair, définitif.
Quand je parle de sa passion pour les ciels de nuit, sa fascination pour l’étoile du nord qui jamais ne bouge, et son rêve d’aller un jour marcher sur lune, on trouve ça intéressant, ou drôle c’est selon. Un peu bizarre en fait. On rapproche ça des paillettes, les étoiles ça brille, normal que ça lui plaise n’est-ce pas, on simplifie à l’extrême parce que l’astronomie c’est si incompatible avec une cervelle de fillette que si elle s’y intéresse c’est certainement plutôt parce que c’est joli, tout ce que ça prendra pour raccrocher au genre là encore.

 

Egalitesexes



Quand il pleure, on projette qu’il est en colère.
Quand elle pleure, on projette qu’elle est triste.
Quand il crie, il est en colère.
Quand elle crie, elle est énervée.
On lui demande à lui de réfléchir.
On lui demande à elle de se calmer.

Noir ou blanc, mais surtout pas de gris. Les garçons, les filles, mais pas d’individualités. On genre leurs jeux, on genre leurs goûts, on genre leurs émotions, parce que le genre domine ce monde et que de genres il n’y en a que deux, des Eve et des Adam, des Vénus et des Mars.  La binarité domine ce monde jusque et y compris dans les curiosités enfantines et même plus avant dans les pleurs des bébés, on leur assigne leurs goûts et leurs émotions en même temps qu’on leur assigne leur genre, dès la naissance.

Leur genre, et son corollaire, leur sexualité.

(Note : dans les paragraphes qui suivent, tous les guillemets sont copyright monsieur le psy scolaire, lequel a cette année décider de « rencontrer » - lire plutôt évaluer – les 20 mères solo de l’établissement *no comment*)

Il aime Mon petit poney et Mia et moi, il aime le violet, se colorier les ongles en orange, il pleure à chaudes larmes quand il est triste et il dit qu’il est triste, il aime se déguiser en sorcière, il veut faire de la danse l’année prochaine quand il aura 4 ans, il n’aime pas ni la bagarre ni la lutte ni le foot et quand il prend un bâton c’est pour en faire une baguette magique ou une canne à pêche, et à l’école il a un seul grand copain, qui est un peu du même « genre », et préfère jouer avec les filles, encore mieux si elles sont potes avec sa sœur et lui. En plus il fait pipi assis. C’est louche. C’est certainement parce qu’il « manque de référent masculin », pensez-vous, « pas de père à la maison », élevé juste par sa mère, « et avec une sœur ».
Mais il aime aussi les voitures et les trains, les crocodiles et les dinosaures, il frappe encore quand il est en colère, et puis surtout il a une amoureuse, alors on est quand même « rassuré sur son équilibre » (sic) *nausée* mais « il faudra voir à ce qu’il se détache bien de vous, hein, qu’il puisse continuer à évoluer dans le bon sens » (sous-entendu, pas le sien, ni le vôtre, mais celui que l’on projette pour lui).

Dans le bon sens ou dans le bon genre ? La masculinité/virilité comme but à atteindre à mots couverts. On ne sait jamais, à trop baigner dans une atmosphère estampillée « exclusivement féminine », il pourrait virer efféminé, voire pire, homosexuel. Le jump n’est pas si grand, les sous-entendus sont limpides, de même que le côté « a-normal » de la chose.

Vous me direz « c’est un psy », je vous dirai que là je parle de lui, mais que tout autour c’est pareil, à la majorité écrasante et flamboyante. On est fier des attitudes « masculines », on renforce les attitudes « féminines », en limitant au maximum les incursions naturelles des enfants par-delà les frontières du genre. Histoire de ne pas avoir le mauvais, de genre.

Garçon efféminé et son pendant, garçon manqué.

Quand parfois un « c’est pour les garçons ça » échappe à ma fille et que son regard hésitant et pourtant envieux et sa voix trébuchante montrent comment ces mots qui sortent de ses lèvres, instillés par l’école et par la société, lui posent question, j’ai le cœur qui se crispe. Quel poids ai-je face à ça ? Quand le discours ambiant est si clivant ? Elle rêve d’un fleuret rose pour jouer au mousquetaire parce que le rose c’est pour les filles et les épées pour les garçons. Qu’importe les vidéos d’escrimeuses ou les histoires d’aventurières et de flibustières racontées, ce qui domine, ce qui prend racine insidieusement, c’est le discours normé et normatif de ce qui est bien pour son genre.

Parce que l’idéal c’est d’être un garçon. Un garçon bien garçon. Certes soumis à des injonctions à la virilité, lourdes de conséquences elles aussi, mais supérieur. Il manquera toujours quelque chose aux filles, et les garçons pas assez « virils » sont des sous-garçons puisqu’ils sont des « presque filles mais pas tout à fait ».

Autant de cases qui enferment et limitent, de frontières bien définies, d’injonctions à prendre une place ou à garder sa place, de hiérarchisation aussi. Chacun son genre, chacun ses caractéristiques, chacun sa place.

Ou pas.

Nous subissons cette société ultra genrée, mais nous la faisons aussi. Nous en sommes autant responsables qu’acteurs, en tant que personnes, en tant que parents aussi. Nos enfants sont la société de demain. Si nous la voulons égalitaire pour ce qui est des genres, c’est à nous de nous bouger pour eux. Et de déconstruire tous les stéréotypes de genre, jour après jour, pour ouvrir à tous à la fois la possibilité et la légitimité d’être qui ils sont, au-delà de ces stéréotypes. Déconstruire pour reconstruire.

J’enfonce des portes ouvertes direz-vous ? Si seulement... Les portes ne sont qu’à peine entrebâillées. Et au train où vont les choses, elles ne sont pas prêtes de céder. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le rapport du Parlement européen du 9 mars dernier, lequel prévoit que l’égalité des genres et des chances ne sera pas atteinte avant 2084, si tant est que la vitesse d’évolution n’aille pas en décroissant. En 2084, mes enfants auront 75 et 73 ans. Ce sera trop tard pour eux. Ce sera aussi probablement trop tard pour leurs enfants, s’ils font le choix d’en avoir. Ils seraient dans la « vie active » depuis trop longtemps pour être pleinement impactés.

Deux générations de plus. Deux générations de trop. Deux générations qui pourtant pourraient être « épargnées » si l’on agissait réellement dès maintenant, et notamment à notre petit niveau individuel par nos discours, par nos actes, par nos prises de position aussi, par une conscientisation acquise, partagée et transmise.

« What you waiting for ? »

 

B

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14 février 2015

Prostitution (2/2) : DSK, proxénétisme, prostitution et abolitionnisme

 

20141120_Mauvaises_Filles

 

« Nous voilà donc spectateurs d’un procès où la presse relate le témoignage d’une prostituée parlant d’un acte sexuel contre son consentement pour lequel je me demande pourquoi personne ne parle pas de « viol ». Finalement, ce n’est pas le coeur du problème, il n’est question que de « proxénétisme ». Ah. »

Je voulais au départ simplement partager l'excellent Ticket de métro d'Ovidie (extrait ci-dessus) sur le procès DSK/viols/sodomie, parce qu’il est très juste à mon sens et que j’adhère totalement à son analyse, et puis finalement je ne vais pas m’arrêter à ce partage. Parce que je vois ce procès comme une « mascarade », comme un outil politique, et qu'il ne fait rien pour les victimes, au contraire. Les victimes sont accessoires ici, à part pour flatter la fibre « bon samaritain » des sauveurs de femmes perdues a.k.a ceux du Nid. Et le fait est qu'on assiste à un procès du proxénétisme détourné en procès de LA prostitution. D'ailleurs Emmanuel Daoud l'a très clairement « confirmé » en déclarant qu' « aujourd’hui après deux semaines de procès on sait ce que c’est que la prostitution ».  Et ce n'est pas pour rien que la proposition de loi de pénalisation des clients est ressortie des tiroirs où elle aurait dû rester.

Comme l'analyse très justement Thierry Schaffauser dans une interview pour Regards : « Le procès du Carlton raconte une histoire centrée sur une personnalité médiatique et sur du sensationnalisme. En réduisant les débats à des témoignages individuels, les causes structurelles de l’oppression sont masquées. De manière générale, de nombreux travailleurs subissent la précarité ou des contraintes fortes et ils se retrouvent à devoir accepter des formes de travail qui ne sont pas leur choix. Du côté des travailleurs sexuels, tout se passe comme si nos parcours personnels expliqueraient à eux seuls une forme de fragilité qui nous réduirait à notre condition. De ce fait, la protection des droits n’est pas examinée, ni la capacité des travailleurs à analyser et lutter contre les contraintes qu’ils subissent. [...] Comme pour les autres travailleurs, il s’agit de la lutte contre la précarité, pour le développement des droits sociaux, pour l’accès au logement et à la santé. Il est important de ne pas dissocier le droit du travail de l’ensemble des droits. Ce n’est pas un hasard si ce sont les minorités, les migrants, les plus dénuées de droits, qui sont majoritairement des travailleurs sexuels. »


Personnellement je ne suis pas « abolitionniste » ni « prohibitionniste » et je considère que ces positions sont d’ailleurs intenables car totalement irréalistes et détachées des réalités. Trop bisounours en somme. Elles sont axées sur la morale : vendre son corps c’est le mal. Soit. Donc on fait quoi ? On interdit de vendre son corps ? Comment ? En empêchant les prostitué(e)s de racoler ? En les chassant des lieux où ils/elles exercent ? C’est déjà le cas. Mais cacher le « problème » n’a jamais permis de le résoudre. Et les conséquences de ce type de politiques ne touchent que la santé/sécurité des prostitué(e)s et non pas le système en lui-même. On pénalise les clients chopés ? C’est vrai qu’interdire et punir a toujours été sacrément productif, surtout pour encourager les trafics et les circuits parallèles, d’autant plus qu’une amende n’a rien d’une pénalisation. Ca ne ferait, encore une fois, qu’isoler et cacher encore plus les prostitué(e)s, les placer encore plus loin des regards, et leur client avec, les mettant ainsi encore plus en danger. Et rappelons que l’organisation entre prostitué(e)s est illégale, tombant sous le coup du « proxénétisme de soutien ».

Plaider pour l’abolition de la prostitution, c’est surtout plaider in fine pour que soient privé(e)s de droits les prostitué(e)s : droits du travail, droit aux soins, droit à l’aide juridique, droit de porter plainte aussi… et si le but des abolitionnistes/prohibitionnistes est de protéger (et non simplement de « sauver »), but qui est celui de toute personne pro-droits, alors il est important au contraire d’encadrer la profession, pour qu’ils/elles puissent dénoncer les abus sans devoir craindre de bascklash, dénoncer les viols et violences et être reconnues en tant que victimes comme le serait Mme Duchmol secrétaire comptable de son état (et même si pour Mme Duchmol aussi il y a du boulot n’est-ce pas, rapport au traitement des viols et violences actuel), pour qu’ils/elles puissent, enfin, sortir de la clandestinité.

L’affaire du Carlton montre bien que oui on peut être consentant(e) pour une relation tarifée et être violé(e). Et de fait les prostitué(e)s sont davantage exposé(e)s au viol, puisque des clients ont l’impression que payer pour un service sexuel ouvre grand la porte à tous les services sans qu’il soit besoin de consentement spécifique.
Mais n’en déplaise aux abolitionnistes, non une relation tarifée n’est pas en soi un viol. Et prétendre le contraire est juste extrêmement violent et méprisant à la fois pour les prostitué(e)s et pour les victimes de viol quelles qu’elles soient, et ça l’est même doublement pour les prostitué(e)s violé(e)s. Partant de là il faut savoir contre quoi on veut lutter : contre la prostitution (= le droit à disposer de son corps comme on l’entend, et faut-il encore le rappeler, nous n’avons pas tous le même rapport au corps) ? ou contre la traite et le proxénétisme, contre les violences, qu’elles soient ou non sexuelles, contre la culture du viol enfin ?

Et dans tout ce que je lis, dans tout ce que j’entends, il n’y a tout simplement rien ou presque sur le proxénétisme organisé national ou international, rien sur le fameux proxénétisme de soutien (lequel,  s’il était abrogé, permettrait au moins aux prostitué(e)s de s’organiser entre elles/eux ne serait-ce qu’en filtrant plus efficacement les clients et en partageant un lieu dédié sûr). Rien sur l’accueil des victimes de violences/viols. Rien sur la facilitation de la reconnaissance des victimes de traite (et la régularisation qui s’ensuit et qui est elle un vrai début de solution d’un des aspects du « problème » et qui ne concerne actuellement que 50 prostitué(e)s par an environ). Rien sur l'éducation au consentement, qui est elle aussi essentielle, et ce à tous les niveaux de notre société.
En revanche il y a des amalgames et des généralisations déplorables (non il n’y a pas qu’une prostitution il y a des prostitutions et refuser de faire le distingo c’est juste passer à côté de la problématique et au passage silencier toutes les paroles qui ne vont pas dans un certain sens) et il y a des négations/privations de droits (les prostitué(e)s ne devant pas avoir les mêmes droits que les autres – LMPT sort de cette société ) et des refus du droit à la libre disposition de son corps.


Pour aller plus loin, je vous conseille ces deux lectures que, personnellement, j’ai trouvées très instructives :

-   Un billet assez court, de Morgane Merteuil, qui explique parfaitement pourquoi il est essentiel de penser global sans pour autant mettre toutes les configurations dans le même panier (de crabes) : Abolition de la prostitution : protéger une majorité au détriment d’une minorité ?
(Extrait : « Il s’agit de comprendre que les intérêts de la « minorité » ne S’OPPOSENT PAS à ceux de la « majorité », et vice versa. La protection contre le travail forcé, la servitude, l’esclavage, les abus et violences en tous genres, ne sont évidemment pas QUE bénéfiques aux personnes contraintes, mais à toutes, puisque toutes, nous sommes susceptibles de subir ces violences. Pas seulement en tant que prostituées d’ailleurs, mais plus généralement en tant que femmes. Que des abus et des violences visent une femme, prostituée ou non, une prostituée, libre ou contrainte, ils doivent être combattus avec la même énergie, et les mêmes lois, de manière non discriminatoire. Des lois qui, si elles demanderaient évidemment à être améliorées, existent. Tout le monde, je pense s’accorde sur ce point. »)

-   Un billet plus long, très très riche, de Salomée sur son blog Mélange Instable, expliquant pourquoi et comment elle est devenue anti-abolitionniste : Prostitution : Pourquoi et comment j'ai viré anti-abolitionnisme
(Extrait : « Et bien sûr, dès lors que j'ai commencé à m'impliquer plus profondément dans le féminisme, j'ai découvert combien la question "prostitution" y était clivante et centrale.
C'était d'ailleurs un peu particulier de découvrir tous ces débats qui, par certains aspects, étaient si loin de ce que mes copines et moi pouvions vivre et partager, et ce alors même que nous étions au coeur du sujet.
J'ai très vite compris une chose : Mon année et demi de prostitution ne me donnait pas un doctorat en putologie. Ce que ça me donnait, c'était un point de vue, un moyen de mettre en résonance ce qui pouvait se dire ça et là avec ce que je voyais/vivais. Mais il y avait aussi un tas de choses relatives au sujet à propos desquelles je n'avais jamais réfléchi plus que ça, bien qu'étant directement concernée.
Je me suis alors donnée une "règle" : Ne rien trancher tant que je n'aurais pas étudié plus profondément le sujet, ses terrains que je ne pratiquais pas ou peu et les divers courants politiques qui s'y rattachaient.
Car très vite, j'ai -comme tous ceux qui s'aventurent dans les tréfonds des débats sur la prostitution- été tiraillée de tous les cotés entre les abolitionnistes, les réglementaristes, le STRASS, les prohibitionnistes, les prohibo- abolitionnistes, les putophobes, les perdus etc etc. »
)


B

19 janvier 2015

Carapate est revenu

 

DSC06149 - photo perso

 

Ce soir je vais vous parler de chats. De jeunes chats, ou de grands chatons, selon ce que vous trouvez le plus mignon. C’est mignon les chatons, les chats. Tout le monde les aime, sauf ceux qui sont plutôt chiens. Mais moi je suis une fille à chats, j’ai toujours été chats, je suis née avec des chats et j’ai grandi avec des chats. Je n’ai jamais vécu sans chats, sans au moins un chat.

Alors voilà, ce soir je vous parle de chats. D’un de mes chats. Des chats j’en ai cinq en tout. Deux casaniers, un jeune et un moins jeune, tous deux rouquins aux yeux d’or, vrais patachons qui défaillent sous les tentatives de caresses de mon fils et dorment toujours l’un lové contre l’autre, tête contre ventre, en ronronnant. Un semi-sauvage, petite panthère noire aux yeux verts, frère d’un des rouquins, qui vient squatter le coin du poêle l’hiver et qui dort à la belle étoile le reste du temps, toujours dans le jardin, histoire d’être là sans être vu, je pense qu’il préfère la tranquillité au brouhaha des gosses. Un « externe », noir de poil et aux yeux d’ambre, celui qui était avec nous quand on a emménagé ici et qui a fui à l’arrivée des deux frangins, refusant sans appel de partager sa maison. Il est parti chez une de mes voisines. Une mamie adorable qui ne voulait plus d’animaux (hors ses poules) depuis la mort de son chien. Elle n’était pas chats. Il a su conquérir ce territoire vierge, n’a pas sourcillé quand elle l’a rebaptisé « Pupuce » et coule des jours heureux comme un coq en pâte chez elle, revenant nous dire bonsoir tous les soirs et, quand elle s’absente, manger à la maison, un peu comme à l’hôtel, il paye sa gamelle de quelques regards et frottements, jamais de miaulements, c’est un chat silencieux.


Et puis il y a Carapate. Carapate, tigré gris aux yeux verts et aux moustaches de morse, est arrivé dans mon jardin à l’été 2013. Un chaton en trop quelque part, qui avait décidé de poser là les valoches qu’il trimballait depuis 6 semaines, pas franchement sevré, pas franchement sociable, franchement affamé, franchement bardé de puces et de vers, une gale en prime dans l’oreille. Au bout d’une bonne semaine de roucoulades, j’ai réussi à le faire entrer. Il a passé encore une semaine à se planquer, de dessous de buffet à dessus d’armoire, toujours collé contre un mur, toujours furtif. Puis il a jeté l’éponge, il avait trop besoin de contact. Visite chez le véto, traitements divers et variés, 3 semaines plus tard il était retapé intégralement et ne quittait plus mon épaule que lorsque je sortais, me ronronnant à l’oreille le reste du temps. Deux semaines plus tard, il disparaissait. Il est sorti un matin et n’est plus revenu.

Trois mois plus tard, en début d’hiver, alors que je revenais d’accompagner ma grande à l’école, j’entends un miaulement tout rauque sortir de sous ma haie. J’appelle, j’entends les feuilles bruisser, puis plus rien. Je rentre. Un orage éclate, dehors c’est le déluge, je ressors, au cas où, je rappelle. Une fusée tigrée me passe entre les jambes et file se planquer sous le buffet. Carapate était de retour. Re-visite chez le véto, re-retapage de chaton, pas eu besoin de le ré-apprivoiser, il a repris ses marques comme s’il n’était jamais parti, et j’ai découvert qu’un chaton de 6 mois et des brouettes ça tient encore très bien sur l’épaule, même si ça prend un peu plus de place qu’un chaton de 2 mois. Ca a plus de griffes, forcément.

Six semaines plus tard, bon pied bon œil, Carapate le bien nommé s’est re-carapaté. J’ai eu beau l’appeler, tourner dans quartier puis dans le village, je ne l’ai pas retrouvé. Les semaines ont passé, le cap des 3 mois est arrivé, j’ai guetté, à nouveau appelé, sait-on jamais des fois qu’il aurait été équipé d’un organiser intégré… Rien. Au bout de 6 mois je me suis dit qu’il était probablement mort, un coup de voiture, un coup de croc, un coup de fusil, un coup de poison… dans mon village les gens sont plus chiens que chats, alors forcément…


Il y a 8 jours, alors qu’on revenait d’une balade dans les champs, ma fille m’agrippe le bras et me dis « Maman ! J’ai vu Carapate ! ». Je me dis qu’elle a dû voir un chat qui lui ressemblait, je lui demande si elle est sûre, elle l’est. Je regarde vers là où elle pointe son doigt, et effectivement il y avait un chat, tigré, assis là, qui nous regardait. Trop loin pour que je voie bien sa tête, s’il avait un cercle de poils clairs autour des yeux ou des moustaches de morse. Dans le doute, j’appelle. Deux fois. Et le chat s’est mis à marcher vers nous à petits pas pressés, puis à courir façon lapin de garenne, jusqu’à être à mes pieds. Il n’a pas hésité et quelques plantages de griffes plus tard il était à nouveau lové sur mon épaule, le cul en équilibre précaire, et se frottait contre mon cou en miaulant-roucoulant. On était partis à trois, on est rentrés à quatre, un qui ronronne, deux qui pleuriaient de joie et moi l’œil humide qui n’y croyait pas. Les jours qui ont suivi, il est repassé chez la véto, on a entamé un traitement contre cette bronchite qui le faisait respirer en deux temps et ronfler comme une motocyclette, j’ai fait du porte à porte mais personne ne m’a répondu « oui il était chez moi ». Je ne sais pas où il était pendant cette année d’absence. Mais je m’en fous.


Carapate est revenu.

 

B

12 janvier 2015

Lettre ouverte à...

 

école

 

A vous les profs, à vous les instits, à vous parents, à nous tous...

On a besoin de vous. On a besoin maintenant plus que jamais que vous ne baissiez pas les bras, que vous continuiez de vous engager. Encouragez les débats. Nourrissez-les dans le plus pur esprit démocratique et républicain. Donnez à nos enfants les outils critiques pour s’informer et comprendre le monde dans lequel nous vivons et qu’ils ne trouveront pas forcément chez eux pour quelque raison que ce soit. Que rien ne soit tabou.

Ne tombez pas dans le piège de les condamner pour des opinions ou des attitudes qui vous heurtent ou vous choquent. Une certaine presse insiste sur les minutes de silence non respectées, faisant par là-même le jeu du « si tu n’es pas avec les bons alors tu es contre eux », sans se demander pourquoi on peut vouloir envoyer bouler cette injonction, niant là encore l’individualité, critiquant plutôt que de chercher à comprendre. Rappelez-vous que ces opinions ils ne sont pas nés avec. Et que c’est aussi l’absence d’un autre discours, d’une autre posture, d’un autre modèle dans leur vie de tous les jours qui a fait que c’est ces idées et principes ou ce rejet de principes qui vous sont chers qui se sont implantées en lieu et place d’autres. A vous d’apporter d’autres idées, d’élargir le champ de leur réflexion. A vous de cultiver les cerveaux en friche, de semer des graines de liberté de pensée, de pensée critique. Apprenez-leur à douter toujours, à questionner sans relâche. Montrez-leur que d’idées différentes, de conceptions différentes, l’unité peut parfois jaillir, et que même si elle n’est pas au rendez-vous cela n’empêche en rien le respect des individualités et des différences parce que c’est bien ça qui nous fait le plus cruellement défaut. Parlez avec eux de ce qu’ils ont vu. De ce qu’ils pensent de tout ce qui est arrivé. Donnez-leur un espace pour s’exprimer, pour verbaliser tous leurs ressentis. Et si le dialogue empiète sur le programme, tant pis pour le programme. Il est secondaire par rapport au présent. Osez parler de religions. Le prosélytisme n’a certes aucune place à avoir à l’école mais la culture et l’histoire des religions en a une et elle est trop minime.

A vous profs d’histoire-géo, l’Histoire de demain s’écrit maintenant. S’il est essentiel d’étudier le passé pour tenter de ne pas le reproduire et connaître le long chemin qui nous a mené jusqu’ici, réservez tous les jours une place à l’actualité, au maintenant d’ici et d’ailleurs. Apprenez-leur à mettre en perspective les événements.

A vous profs d’informatique, apprenez à vos élèves à se servir d’Internet. Apprenez-leur quel formidable outil d’information globale il peut être. Apprenez-leur à identifier et multiplier leurs sources, ouvrez leur horizon virtuel.

A vous, profs de philo, apprenez-leur à faire à la distinction entre foi, religion, et utilisation politique et idéologique de la religion.

A vous profs de lettres, nourrissez leur goût pour la lecture, et si les œuvres au programme ne font pas écho, sortez des sentiers en proposant des œuvres qui feront écho et auxquelles ils accrocheront. Rien ne vous empêchera de recoller par la suite au programme.

A vous instits, donnez-leur la possibilité d’exprimer par les mots ou les dessins leur vision de tout ce qui s’est passé. Aidez-les à mettre des mots sur les images qu’ils ont pu voir parce que nul doute qu’ils en ont vu et ils sont loin d’être équipés pour (et comment le seraient-ils alors que nous-mêmes adultes ne le sommes pas forcément).

A vous parents, transmettez vos valeurs, transmettez le pourquoi de vos valeurs, mais ne faites pas de l’adhésion à vos valeurs un devoir que votre enfant aurait envers vous. Nos enfants ne sont pas et ne seront jamais nous. Mais ils sont demain et à ce titre nous avons le devoir, nous parents, de leur ouvrir tout le champ des possibles et de les aider à construire leur chemin propre. Le respect de l’autre, le vivre ensemble, commencent à la maison et commencent par le respect de la personne de l’enfant/de l’adolescent et, au-delà, par le respect des besoins de chacun, sans que quiconque ne se sente lésé. C’est un équilibre difficile à trouver, délicat à maintenir, mais c’est essentiel. Aussi bien dans notre vie de maintenant que dans leur vie de demain. Et apprenez-leur à rire d’eux-mêmes, à rire de vous, à rire de tout, ensemble.

A nous tous, écoutons et dialoguons.  Dialoguons encore et toujours et toujours plus. C’est en cherchant à instiller une pensée et des informations figées que l’on annihile toute pensée propre et tout esprit critique. Le monologue est autant notre ennemi que le leur. Cultivons leur liberté de pensée, leur pensée critique.

Et à vous, nos dirigeants, que l’Education devienne réellement une de vos priorités. S’il vous plaît. Pour une fois plutôt que de vouloir policer en aval, prenez le problème à la source. Trop d’enfants, trop de jeunes, sont en situation d’ « échec scolaire » ou décrochent de l’école et sont laissés sur le côté, par manque de moyens, par manque de temps, par manque d’écoute. Vous voulez que l’ « union » perdure ? L’union commence dès l’enfance et sur les bancs de l’école. L’union, ou plutôt l’inclusion. Car on ne peut s’unir à une société qui ne nous donne pas les mêmes opportunités à tous. Plutôt que de construire des prisons, construisez-nous des écoles.

 

B

17 décembre 2014

Prostitution (1/2) : le mouchoir pudibond de la morale et son effet Monsieur Propre

extrait de "Mauvaises filles" - http://www.lamanufacturedelivres.com/le_site/Mauvaises_filles.html

 

Aujourd’hui 17 décembre, c'est la Journée mondiale de lutte contre les violences faites aux travailleurs et travailleuses du sexe. Ou, pour celle(ux) qui  glapissent à cette appellation, la Journée mondiale de lutte contre les violences faites aux putes. Les putes, ces personnes contre lesquelles il est de si bon ton de s’indigner, si politiquement correct de déclarer qu’on est contre, qu’on est pour l’abolition de la prostitution, parce que quand on est étroit d’esprit et très binaire, une pute en vaut une autre, tou(te)s dans le même panier, la problématique est la même pour tous les cas de figure, c’est si commode. Bref.

 

Parmi ces violences, on retrouve des rapports sans préservatif contraints, des violences physiques, des viols, des séquestrations et menaces de mort, des violences institutionnelles et des violences policières, des meurtres... La grande majorité de ces violences ne font pas l’objet d’un dépôt de plainte, ce qui n’est guère étonnant, puisque la Police est plus souvent qu’à son tour contre les putes, à coup de contrôles, d’humiliations ou d’arrestations arbitraires pour trouble à l’ordre moral des bon(ne)s citoyen(ne)s. On me souffle « impunité des coupables » dans l’oreillette. Et oui, c’est le bon terme.

 

Par ailleurs on constate une montée de l’intolérance envers les putes, que ce soit intolérance directe des riverains ou intolérance politique à travers la multiplication d’arrêtés municipaux anti-prostitution, Toulouse récemment, mais aussi Lyon, Lille, Bordeaux...  Les putes gênent. Elles font désordre. Les bonnes consciences disent que c’est parce que la prostitution est une violence et qu’il faut éradiquer cette violence. Mais éradiquer la violence dans le travail sexuel ou dans l’exploitation sexuelle, ce n’est pas éradiquer les putes, si ? Cela dit c’est certainement plus simple et plus rapide. On veut du résultat. On veut de la bonne conscience. Les droits fondamentaux, ça, c’est trop complexe, trop compliqué. Trop profondément politique aussi. Moins spectacle. Moins buzz. Ecouter la parole des concerné(e)s aussi, c’est trop compliqué. Et puis surtout on sait mieux qu’elleux ce qui est digne et bon pour elleux.

 

Il y a eu tellement de battage médiatique ces derniers temps autour par exemple de la proposition de loi visant la pénalisation du client. Tant d’âmes charitables, samaritaines à deux balles, ont défendu ce principe : pénaliser le client, c’est lutter contre la marchandisation des corps, c’est lutter contre les trafics et les exploitations, c’est sauver les putes. Angélisme ou connerie, entre les deux mon cœur balance. Sur le papier ça fait bien, ça fait propre, mais si on habitait en Théorie ça se saurait.
Cette si altruiste proposition de loi a déjà des effets délétères alors même qu’elle n’est pas encore votée :  les putes se rendent dans des lieux plus reculés, plus cachés, se retrouvent encore plus exposé(e)s à la violence et ne peuvent plus prendre le temps de négocier ou choisir leurs clients parce que la négociation c’est du temps, l’étude du potentiel client aussi, et le temps c’est le risque de se faire repérer, contrôler, arrêter. Mais c’est sûr, là encore, les putes sont moins visibles du coup. L’honneur et la morale sont saufs.

 

Une dimension sexiste, homophobe et transphobe, mais également une dimension raciste : régulièrement, ce sont de véritables rafles qui sont menées, comme celle du 19 novembre dernier au Bois de Boulogne, visant des travailleur(se)s migrant(e)s sans-papiers, rafles auxquelles s'ajoutent des contrôles d’identité injustifiés, des arrestations au motif de racolage, visant tout particulièrement les mêmes personnes migrantes, pourtant présentées par ailleurs comme uniformément victimes de la traite, vous savez cette traite qui concerne absolument toutes les putes si l’on en croit les abolitionnistes, cette traite qui est clairement un fléau (et je suis bien d’accord sur ce point) et ces victimes donc qu'il conviendrait, pour leur bien, de renvoyer dans leurs pays d'origine (n'est-ce pas) ? Sérieusement ? Pour leur bien ? Ou là encore pour sauvegarder l’honneur et la morale ?

 

Je ne sais pas s’il est besoin de le rappeler, mais dans le doute allons-y gaiement : les clients des putes c’est qui ? A part des hommes qui sont aussi bien ouvriers que ministres, aussi bien jeunes que vieux, qui sont souvent mariés ou l’ont été, qui ont même souvent dans leur portefeuille d’où ils sortiront de quoi régler la passe une ou deux charmantes photos de leurs gosses et parfois celle de madame, qui ont des mères, des sœurs, des copines, des femmes ? Ca dérange de se dire ça. Ca dérange encore plus de se dire que le connard qui a collé deux yeux au beurre noir à une pute la veille avant de la forcer à une fellation est peut-être notre père, notre frère, notre conjoint…
La morale.

 

Résultat direct donc de ces différentes politiques et toujours sous le pieux prétexte de lutter contre l'exploitation des putes, c'est leur répression directe qui s'organise, avec des conséquences en termes de précarisation, d'augmentation des violences, de dégradation de leur santé par impossibilité de suivi par les organisations de terrain et d’encore et toujours plus d’invisibilité, sans oublier la peur quotidienne des forces de l’ordre, peur encore accentuée quand on est sans-papiers et donc expulsable.

 

A l’occasion de cette Jounée mondiale, Médecins du Monde appelle à :
- garantir à toute personne victime de violence, un accès effectif à la justice, aux droits et aux soins ;
- lutter contre la stigmatisation des travailleur(se)s du sexe ;
- abroger sans délai le délit de racolage passif ;
- renforcer la lutte contre la traite et la violence ;
- rejeter toute pénalisation des clients qui plongerait les travailleur(se)s du sexe dans une situation de plus grande précarité, les exposant davantage aux risques de violences.

 

Sont également organisées des manifestations, à Paris, Lyon et Toulouse, à l’appel notamment du STRASS (Syndicat du TRAvail Sexuel ) et de Médecins du monde, pour dire non à toutes les violences, y compris institutionnelles et policières.

 

Thierry Schaffauser, lui, n’y sera peut-être pas quoique j’en doute. Membre fondateur du STRASS, il a en effet été victime dans la nuit de lundi à mardi de violences policières physiques (étranglement  et « menottage sauvage ») et morales (propos homophobes, racistes et impossibilité de contacter un avocat) alors qu’il se faisait arrêter sur le boulevard Barbès pour avoir parlé à une travailleuse du sexe, laquelle a aussi été arrêtée. Examiné par un médecin des urgences médico-légales, ce dernier « a constaté de nombreuses lésions directement liées aux conditions disproportionnées et violentes de son interpellation » et lui a délivré 4 jours d’ITT. Une plainte sera prochainement déposée entre les mains de l’inspection générale de la police nationale, avec constitution du STRASS en tant que partie civile.

 

Je doute qu’elle aboutisse. On a beau être en période de Fêtes, il y a longtemps que je ne crois plus au Père Noël.

 

B

 

Sources :

http://www.medecinsdumonde.org/Presse/Journee-mondiale-de-lutte-contre-les-violences-faites-aux-travailleurs-et-travailleuses-du-sexe-Priorite-a-la-reduction-des-risques

http://paris.demosphere.eu/rv/36810

http://blogs.mediapart.fr/blog/merome-jardin/161214/les-agressions-policieres-contre-les-travailleuses-du-sexe-et-les-militantes-de-terrain-feront-el

http://www.strass-syndicat.org/2014/12/abus-policiers-sur-un-militant-du-strass-la-veille-de-la-journee-mondiale-contre-les-violences-faites-aux-travailleurses-du-sexe/

http://paris-luttes.info/rafle-a-boulogne-stop-aux-2125

11 décembre 2014

Les lutins à vélo sont des salauds

12-08-2014-fr

 
Ce midi en attendant que la classe de ma grande soit finie, discussion avec la maman d'une de ses copines. Je suis plutôt une taiseuse, pas vraiment de celles à qui on vient claquer la bise entre le bonnet et l'écharpe. Alors ça m'a un peu surprise quand elle a commencé à parler.

"Oh j'ai merdé l'autre jour. Tu sais sur Internet on peut faire une vidéo avec le Père Noël et des lutins, on donne le prénom du gamin, ce qu'il aimerait comme jouets, et puis après tu peux choisir "sage", "moyennement sage" ou "pas sage". L elle fait souvent des bêtises et puis elle est trop dans la lune alors j'ai mis "moyennement sage" tu vois parce qu'on lui dit souvent de toute façon que si elle n'est pas sage le Père Noël ne passera pas.
Du coup hier soir le lui met la vidéo sur l'ordi, et j'avais pas regardé avant tu vois. Elle était rivée à l'écran, toute souriante et tout, ravie que le Père Noël sache ce qu'elle voulait, elle lui répondait et tout hein ! "J'espère que tu as été bien sage" et caetera. Et puis après il demande "Alors est-ce que L a été sage cette année voyons ça". Et là t'as un lutin qui se met à pédaler sur un vélo et t'as une barre qui se remplit. Ca passe du rouge pour pas sage au vert pour sage et au milieu t'as le orange.
Et elle du coup le lutin a pédalé jusqu'au orange et il s'est arrêté et là les lutins et le Père Noël ont fait "oooooh quel dommage".
Et ben elle a fondu en larmes. Inconsolable.
Obligés de repayer 3 euros pour refaire une vidéo."

Elle riait, un peu faux, un peu trop. Elle évacuait. J'ai pas su dire grand chose. Juste "C'est bien que tu aies fait une vidéo tu sais". Bien sûr qu'elle le savait. Mais à son sourire, elle était contente de l'entendre.

Puis nos filles sont sorties en courant, bonnet, écharpe, Noël aux lèvres et étoiles dans les yeux, et sur le chemin du retour, ma grande voulait absolument m'apprendre Mon beau sapin...

Je pensais encore à cette maman et à son lâchage, à toutes les pensées qui m'avaient traversé l'esprit en l'écoutant, des jugeantes si lapidaires et si connes aux "mais pourquoi moi" égocentrique et je me demandais pourquoi, de tout ce que j'avais en tête, c'est cette phrase là qui est sortie.

Peut-être que c'est le "j'ai merdé", peut-être que c'est sa manière de rire qui sonnait tout sauf le rire. Je pense surtout que c'est l'effet miroir en fait. Moi aussi j'ai déjà merdé en tant que parent. Certes je ne fais pas de chantage au Père Noël ni de chantage tout court, mais j'ai des casseroles aussi et c'est tellement pas une compétition la parentalité parce que les gagnants/perdants c'est pas nous, mais ce seront nos enfants. Pas à un instant T, mais au bout du bout de leur vie. C'est une route si longue et si difficile parfois. Et lâcher du lest, vider son sac, raconter comment on a merdé ça fait aussi simplement du bien, ça permet de passer à autre chose, de repartir du bon pied. Personne n'a besoin dans ces moments-là de se prendre une porte sur la tronche ou un semi-remorque de mépris.

Cette maman, qui a été "obligée" de payer 3 euros de rab pour réparer, qui s'est sentie si mal devant les larmes de sa fille, je pense qu'elle a bien compris toute seule que le chantage qu'elle faisait les blessait toutes les deux au final. Et que même si sa puce décide de décapiter le sapin, le Père Noël passera quand même. Puis bon il ne bosse qu'un jour par an, il serait gonflé de faire grève sans déconner. Cette maman merdera encore, un autre jour, sur un autre point. Comme toutes les mamans, comme tous les parents.


Ce n'est pas l'erreur qui nous enferme. C'est de ne rien en apprendre, de ne rien en acter, de ne rien en questionner.


B

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